Transition énergétique : les effets du stockage de gaz naturel sur les micro-organismes

Une étude de l’IPREM met pour la première fois en évidence l’impact de l’activité de stockage de gaz naturel sur certains micro-organismes dans les aquifères profonds.

Oui, il y a de la vie dans les aquifères profonds ! En fait, cette découverte n’est pas tout à fait une nouveauté. En revanche, peu de chercheurs se sont intéressés jusque-là au comportement des micro-organismes peuplant les réservoirs de stockage naturels situés entre 500 m et 1,2 km sous terre. « On comptabilise 77 sites de stockage de gaz naturel en aquifère profond dans le monde, dont 11 en France, commence par retracer Anthony Ranchou-Peyruse, microbiologiste à l’Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l’environnement et les matériaux (IPREM). Le premier site exploité en France date de 1956. Or, à cette époque, nous ignorions si la vie était possible à de telles profondeurs. Depuis que nous savons que les micro-organismes prospèrent dans les aquifères profonds, la question qui se pose maintenant est celle de leurs interactions éventuelles avec des gaz tels que le méthane ou l’hydrogène. »

L’enjeu est d’autant plus fort que nous assistons actuellement, dans le contexte de la transition énergétique, à une effervescence autour du stockage de grands volumes de biométhane et d’hydrogène dans le sous-sol. Les travaux de recherche menés depuis 2015 par les équipes de l’IPREM et du laboratoire de thermique, énergétique et procédés (IPRA-LaTEP), en partenariat avec deux industriels français, Teréga (anciennement TIGF) et Storengy (filiale d’ENGIE), sont à ce titre particulièrement novateurs. Ils ont donné lieu à une publication scientifique remarquée parue le 17 juillet 2019 dans Environmental Microbiology.

L’étude, baptisée Geological gas-Storage shapes deep life, s’est focalisée sur deux groupes de micro-organismes : les bactéries sulfatoréductrices et les méthanogènes. Les premières respirant du sulfate en rejetant du sulfure, les seconds respirant du CO2 en produisant du méthane. « En observant de près une trentaine de sites en France, poursuit Anthony Ranchou-Peyruse, nous avons pu déterminer que ces micro-organismes ont un impact sur la composition du gaz stocké dans le cas d’un mélange de méthane et d’hydrogène mais également sur celle de l’eau de formation. En retour, le stockage du gaz produit lui aussi des effets sur la diversité microbienne, même 50 ans après la finde l’exploitation d’un site. » Ces travaux permettent de mesurer précisément ces effets, tout en ouvrant de nouvelles pistes pour produire, grâce aux propriétés singulières de ces micro-organismes, du méthane revalorisable. On parle ici de ‘’biométhanation in situ’’, une réaction de synthèse du méthane en environnement profond, à partir de CO2 capté et de dihydrogène produit par des énergies renouvelables. Le projet RINGS (Recherche sur l’injection de nouveaux gaz dans les stockages), porté en parallèle par plusieurs laboratoires de l’UPPA en partenariat avec Teréga et Storengy, devrait bientôt permettre de confirmer les hypothèses avancées en reproduisant en laboratoire les phénomènes observés sur le terrain par l’équipe d’Anthony Ranchou- Peyruse.

Contacts : anthony.ranchou-peyruse @ univ-pau.fr