Christine Lartigau-DagronSculptrice de polymères aux propriétés exceptionnelles

Par Direction de la communication

Enseignante-chercheure de l'UPPA, spécialiste des polymères conducteurs et semi-conducteurs, Christine Lartigau-Dagron exerce ses talents à l'IPREM. Aujourd'hui à la tête de l'ambitieux projet PIROETT, l'experte en synthèses organiques conjugue recherche académique et transfert de technologie dans le domaine des photodétecteurs.

Au cœur de la technopole Hélioparc à Pau, dans son laboratoire de l'Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l'environnement et les matériaux (IPREM), Christine Lartigau-Dagron assemble des molécules organiques comme d'autres empileraient des briques de LEGO. Chimiste formée à l'UPPA, titulaire en 1992 d'un DEA Polymères, l'enseignante-chercheure de l'UPPA ne construit pas des casernes de pompiers ou des navettes spatiales, mais invente des matériaux du futur. À l'instar d'une Chef étoilée qui associerait épices et condiments pour relever la saveur d'un plat, Christine Lartigau-Dagron compose avec les propriétés mécaniques et thermiques des polymères, modifie leur structure et joue avec les interactions intermoléculaires pour imaginer de nouveaux polymères aux caractéristiques singulières. Son Graal ? Synthétiser des polymères en mesure d'absorber efficacement dans le proche infra-rouge. C'est-à-dire des matériaux novateurs, flexibles, légers, faiblement consommateurs d'énergie et peu coûteux, susceptibles d'être intégrés dans des photodétecteurs.

« Avec mes collègues de l'IPREM, explique la chercheuse paloise, je travaille depuis 1998 sur une catégorie spécifique de polymères baptisés π-conjugués, constitués d'atomes liés par des liaisons covalentes avec au moins une liaison π délocalisée. Leur structure chimique particulière les rend conducteurs ou semi-conducteurs, ouvrant le champs à de nombreuses applications.» Capables d’émettre de la lumière lorsqu’ils sont parcourus par un courant électrique, ces polymères sont par exemple utilisés dans la fabrication de composants électroniques comme les diodes électroluminescentes (LED) employées dans l'éclairage ou les écrans de téléviseurs. » Des domaines que connaît bien Christine Lartigau-Dagron, responsable de 2008 à 2014 du réseau national NANORGASOL consacré à l’élaboration, la caractérisation et le développement des cellules photovoltaïques dites de troisième génération.

De la magie des polymères

« L'originalité des travaux de recherche que je mène depuis maintenant une quinzaine d'années, poursuit-elle, consiste plus précisément à exploiter les propriétés de ces polymères π-conjugués nonpas pour émettre de la lumière à partir d'un courant électrique, mais au contraire pour absorber les photons et produire ainsi de l'électricité à la manière d'une cellule photovoltaïque inorganique. » Un défi de taille, à condition de rendre ces polymères plus stables, plus robustes et surtout plus performants en absorbant plus loin dans l'infra-rouge. C'était tout l'enjeu des projets ANR TAPIR (2015-2019) et CRA TAMANOIR (2016-2019) auxquels a participé Christine Lartigau-Dagron, tous deux pilotés par le laboratoire de l'intégration du matériau au système (IMS, CNRS UMR5218).

«TAPIR et TAMANOIR nous ont permis de concevoir un polymère éminemment intéressant qui absorbe le rayonnement infra-rouge jusqu'à 1400 nm, c'est-à-dire à un seuil qui concurrence voire surpasse les capacités de matériaux inorganiques comme le silicium », résume la scientifique de l'UPPA. Cette remarquable découverte, désormais protégée par un brevet, est à l'origine d'un nouveau projet bigrement innovant, lancé en octobre 2019 et financé par E2S-UPPA: PIROETT, pour ''Polymères absorbant dans l’Infra-Rouge pour l’Organique Électronique: Transfert de Technologie''. L'équipe de recherche dirigée par Christine Lartigau-Dagron se compose de son collègue maître de conférence à Pau Antoine Bousquet et de l'ingénieur Wissem Khelifi, qui a soutenu en janvier 2019 à l'UPPA une thèse sur les polymères semi-conducteurs.

De la théorie à la pratique

La première phase du projet PIROETT va s'attacher à améliorer la voie de synthèse de ce nouveau polymère aux vertus étonnantes. « Nous savons le fabriquer, mais le matériau n'est pas industrialisable en l'état, concède Christine Lartigau-Dagron. Nous rencontrons encore des difficultés pour synthétiser plus efficacement la brique initiale, le monomère. Nous avons trop de pertes, mais nous avons bon espoir de surmonter rapidement ce problème et de parvenir d'ici quelques mois à optimiser les processus de synthèse. » La deuxième étape, qui sera menée en collaboration à l'IMS à Talence, visera ensuite à intégrer ce polymère dans un photodétecteur puis à fabriquer un prototype.

Lauréate du premier prix du dernier Winter Camp d'E2S-UPPA qui s'est tenu à Salies-de-Béarn (64) en janvier dernier, l'équipe de chercheurs palois a de bonnes raisons d'être optimiste. Organisées sur trois jours, ces rencontres entrepreneuriales rassemblaient un jury d'industriels et de représentants locaux qui ont très vite mesuré les enjeux et le potentiel du projet PIROETT. Si les résultats sont probants, les applications envisageables sont en effet vertigineuses : interagir avec un écran sans le toucher, révéler à distance le réseau veineux d'une main... Des progrès considérables seraient possibles dans de nombreux domaines, notamment dans l'imagerie médicale et le secteur de la sécurité. Deux industriels ont d'ores-et-déjà fait part de leur vif intérêt : Isorg, la pépite française des capteurs polymères imprimés, et Legrand, un des leaders mondiaux des infrastructures électriques rencontré justement à l'occasion du Winter Camp. Grâce à PIROETT, si tout se passe comme prévu, il vous suffira bientôt de balayer d'un revers de main l'écran de votre smartphone ou de votre ordinateur, sans aucun contact physique, pour remonter en haut de cette page jusqu'au début de l'article !

Remise de prix du Winter Camp Entrepreneuriat qui eu lieu du 22 au 24 janvier 2020