Réfléchir à la résilience de deux territoires, le bassin de Lacq et le massif des LandesProgramme ACTER (Accompagner les changements vers des territoires résilients)
Entre 2014 et 2016, une équipe de chercheurs du laboratoire PASSAGES a animé le programme ACTER (Accompagner les changements vers des territoires résilients) qui visait à développer des recherches sur la notion de « résilience des territoires » face aux risques. Nous les avons rencontrés.
Avant de nous parler plus précisément de votre programme, pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la résilience ?
Julien Rebotier : "Il existe de nombreuses définitions mais pour l’appel à projet du Ministère de l’Environnement, dans lequel notre recherche a pris place, la résilience est définie comme une « capacité à surmonter des situations graves ». Du coup, la résilience peut être vue comme un élément supplémentaire du registre de l’action publique, mais aussi du répertoire des initiatives d’acteurs locaux et des façons d’envisager le risque et le devenir de territoires."
Quel est l’objectif du programme ACTER ?
Sylvie Clarimont : "Avant d’utiliser la résilience comme un outil, un levier d’action, il nous semble très important de se questionner sur ce que cette notion signifie ou peut signifier, sur les changements que son (sa future) utilisation implique dans la façon d’envisager, à la fois les problèmes, mais aussi les solutions. Le programme ACTER s’est employé à mettre à l’épreuve la résilience dans sa capacité à restituer les multiples facettes des changements en cours sur ces territoires, les façons dont les risques s’y présentent et dont ils sont pris en charge."
Pourquoi avoir choisi le bassin de Lacq et le massif des Landes ?
Christine Bouisset : "Ces territoires se trouvent tous deux à des moments critiques : fin de l’exploitation commerciale du gaz pour l’un, tempête Klaus pour l’autre. Ces terrains sont aussi aux prises avec des dynamiques de fond qui mettent à l’épreuve leurs modèles territoriaux respectifs (industrie, sylviculture). La résilience peut constituer une grille conceptuelle pour appréhender les multiples changements qui affectent les territoires : climat, énergie, (nouveaux) risques, changements de l’usage du sol sont autant de vecteurs des évolutions territoriales."
Concrètement, comment avez-vous procédé ?
Kildine Leichnig : "Pour ce faire, la méthode de recherche mise en œuvre a pris appui sur un important travail d’enquête par entretien auprès d’acteurs et des riverains du complexe industriel de Lacq. La collecte de l'info a également été réalisée via des revues de presse, la consultation de documents règlementaires, la littérature grise, la participation à certaines réunions publiques."
Que vous ont montré ces entretiens ?
Julien Rebotier : "Le caractère équivoque et la faible appropriation de la notion de résilience tant par les élus que par les techniciens des services de l’État ou des collectivités territoriales. Au-delà, concernant la gestion des risques, nous avons relevé plusieurs éléments : défaut de concertation, reconnaissance d’intérêts pluriels, arbitrages, besoin d’intégrer les dimensions sociales et géographiques des risques, éviter une gestion uniquement « technique » des risques."
Ce que vous évoquez ici montre que la notion de résilience ne permet pas d’échapper aux difficultés largement rencontrées dans le passé, dès lors qu’il faut appliquer des connaissances fines et complexes (parfois contradictoires !) sur le terrain.
Sylvie Clarimont : "En effet, on retrouve la difficulté majeure de la complexité des territoires, de leurs multiples composantes et de l’articulation de leurs différentes échelles. Sur le terrain, les porteurs de la décision et de l’action doivent composer avec des problèmes enchevêtrés, inégalement visibles ou légitimes, mais qui opèrent constamment en lien et sur lesquels ils n’ont pas également prise. L’idée de résilience doit justement favoriser les liens entre ces multiples échelles et dimensions, mais c’est loin d’être évident !"
Quelles pistes pour la gestion de ces territoires ?
Christine Bouisset : "Il nous semble essentiel de rendre visibles les rapports de force entre acteurs qui présument des choix opérés. Un apport potentiel de la résilience serait de l’utiliser comme un outil pédagogique pour une meilleure gestion des risques. Il s’agirait de mettre en discussion les choix et arbitrages souvent trop guidés par des formes techniques de l’action publique ou par le poids des intérêts dominants."
Quelles sont les suites de ce programme ?
Julien Rebotier : "Le rapport final du programme ACTER sera consultable en ligne sur la page RDT du Ministère de l’Environnement (Risque Décision Territoire , à compter de mars 2017. Nous organisons également un colloque intitulé « Penser et faire la résilience. Risques et territoires »."
Pouvez-vous nous en dire plus sur le colloque Penser et faire la résilience. Risques et territoires ?
Julien Rebotier : "Il se tiendra à l’UPPA les 9 et 10 mars 2017, sur le campus palois, à l’amphithéâtre de la présidence. Nous vous invitons à consulter le programme qui alterne communications de chercheur(e)s issu(e)s de toute la France avec des moments de débat et de table-ronde.
Rendez-vous sur le site https://resilience.sciencesconf.org/ pour en savoir plus. Les échanges seront, nous en sommes certains, très enrichissants et nous encourageons les citoyens, les élus et techniciens des collectivités à venir et à participer, ne serait-ce qu’une demi-journée. Ces moments d’échanges entre acteurs sont primordiaux."