Aux Kerguelen, des poissons carnivores digèrent des glucides
Deux laboratoires de l’INRA à Saint-Pée-sur-Nivelle, NuMéA et Ecobiop, ont montré que les truites des Îles Kerguelen digèrent et métabolisent les glucides. Une propriété surprenante pour des poissons en principe carnivores.
Si vous n’êtes pas familier des salmonidés, la découverte des chercheurs d’Ecobiop et NuMéa sur la capacité des truites des Îles Kerguelen à métaboliser les glucides vous laissera probablement de marbre.
La révélation est pourtant stupéfiante, car les poissons de la famille des salmonidés, décrits généralement comme des espèces carnivores strictes, montrent en principe une hyperglycémie marquée en cas d’ingestion de glucides que l’on a longtemps cru associée à l’absence ou à la non-fonctionnalité d’une enzyme clef impliquée dans le métabolisme glucidique : la glucokinase. Un premier pas fut franchi au début des années 2000, lorsque Stéphane Panserat (NuMéA) réussit à prouver la présence et la fonctionnalité de la glucokinase chez des poissons d’élevage. L’hypothèse avancée alors était que ce gène était probablement impliqué dans d’autres fonctions encore non élucidées.
Les travaux menés depuis 2015 par les deux laboratoires de l’INRA sur une population de truites communes des Îles Kerguelen montrent désormais que des poissons élevés en milieu naturel sont également capables de digérer et métaboliser les glucides.
En l’occurrence, le glycogène retrouvé dans leur estomac est issu des insectes nourris à l’aceana (plante endémique) ingérés par les poissons. Cette découverte soulève désormais d’autres questions, soulignent Lucie Marandel (NuMéA) et Jacques Labonne (Ecobiop), qui ont bénéficié du soutien de la Fédération de Recherche MIRA et de l’Institut Polaire Paul-Emile Victor :
« Ce phénomène existe-t-il ailleurs qu’aux Kerguelen ? Si ces poissons métabolisent naturellement les glucides, peut-on imaginer un plus grand apport de glucides dans leur alimentation en élevage ? Le génome des salmonidés a-t-il conservé cette propriété pour faire face à des changements environnementaux ou pour coloniser de nouveaux environnements ?... »
Leurs travaux ont été publiés dans STOTEN.