Céline Perlot-Bascoulès, virtuose du béton et de la terre crue

Par Direction de la communication

Maître de conférences HDR à l’UPPA, enseignante-chercheuse à l’ISA BTP et au laboratoire SIAME, Céline Perlot-Bascoulès rejoint ses collègues Gilles Pijaudier-Cabot, David Grégoire et Isabelle Chort à l’Institut Universitaire de France en qualité de membre junior, au titre de l’innovation.

Certains sont tombés dans la marmite quand ils étaient petits. D'autres, comme Céline Perlot-Bascoulès, sont coulés dans le béton depuis leur plus jeune âge. Aujourd'hui maître de conférences et responsable de l'équipe ''Géomatériaux et Structures du Génie Civil'' du laboratoire des sciences pour l'ingénieur appliquées à la mécanique et au génie électrique (SIAME), Céline Perlot-Bascoulès n'avait qu'une vingtaine d'années lorsqu'elle a commencé à s'intéresser aux réactions chimiques qui s'opèrent à l'intérieur des matériaux cimentaires. Ce sera l'objet de sa thèse, effectuée de 2002 à 2005 en cotutelle entre l'université Paul Sabatier de Toulouse (LMDC) et l'université canadienne de Sherbrooke. « J'ai bénéficié d'une bourse de l'Andra pour travailler sur l'influence de la décalcification de matériaux cimentaires sur les propriétés de transfert, détaille-t-elle. L'idée était de se pencher sur propriétés des structures utilisées pour le stockage profond de déchets radioactifs afin de s'assurer de leur pérennité sur plusieurs dizaines de milliers d'années. » Le doctorat en poche, la jeune femme est recrutée responsable du pôle microstructure de la division matériaux du Centre d'études et de recherches de l'industrie du béton (CERIB).

 

Du béton à la terre crue

Le béton, au sens où nous l’entendons communément, c’est-à-dire un mélange de granulats ou d'agrégats (sable, gravier...) et un liant issu d'un mélange de calcaire et d'argile, est un matériau de construction vieux comme le monde, utilisé depuis la haute Antiquité sous des formes diverses. « Aucun ne ressemble à un autre, tout dépend des matières utilisées pour sa conception et des interactions avec l'environnement, souligne Céline Perlot-Bascoulès. Le choix des agrégats, des liants, le dosage en eau ont un impact sur la tenue en environnement extérieur agressif, induit par la présence de CO2 , sulfates et chlorures marins. J'essaie de comprendre les dégradations chimiques qui participent au vieillissement du matériau afin d'envisager ensuite des solutions qui amélioreront ses performances ». Comme un Chef devant ses fourneaux, la chercheuse est en quête du bon dosage entre tous les ingrédients, de la meilleure recette possible en fonction du contexte.

Céline Perlot-Bascoulès rejoint l'UPPA en 2007, en tant qu'attachée temporaire d'enseignement et de recherche à ISA-BTP et au laboratoire des sciences appliquées au génie civil et côtier (LaSAGeC²). Son équipe fusionnera en 2009 avec celle du laboratoire génie électrique pour former le laboratoire SIAME. La jeune trentenaire débute au même moment, avec Nobatek, un postdoc consacré aux toitures végétalisées pour l'éco-construction. Un an plus tard, elle est nommée maître de conférences. Les questions environnementales trouvent un écho de plus en plus prégnant dans ses travaux. En 2013, avec ses collègues, Céline Perlot-Bascoulès lance une nouvelle thématique sur la terre crue, un matériau connu lui aussi depuis la nuit des temps. « Nos connaissances sur la terre crue sont empiriques, observe-t-elle. Certains pans de la muraille de Chine ont été construits avec de la terre crue mélangée à l'eau de cuisson du riz, d'autres édifices intègrent des déjections animales, des tanins... On sait ce qui marche, mais on ne sait pas forcément pourquoi. Nous avons besoin de quantifier les effets de ces sous-produits naturels et d'en expérimenter d'autres comme les coquilles d’huître, la laine de mouton, les fibres végétales... »  Un préalable pour imaginer de nouveaux matériaux susceptibles de diminuer l'empreinte écologique de la construction. « Le BTP est responsable à l’échelle mondiale de 39% des émissions de CO2 et environ 30 % des déchets, de l'épuisement des ressources et de la pollution dans le monde. Relever le défi du changement climatique passe par une mutation des pratiques constructives et le développement d'éco-matériaux prometteurs. »

 

Bienvenue à l'IUF !

De gauche à droite : Olivier Houdé (Administrateur de l'IUF), Céline Perlot-Bascoulès, Isabelle Baraille (Vice-Présidente) de la Recherche et Laurent Bordes (Président de l'Université)
C'est ce challenge immense, synonyme d'innovation de rupture, soutenu dès le début par E2S UPPA, qui vaut à Céline Perlot-Bascoulès, 43 ans, d'être nommée à compter du 1er octobre 2021 membre junior de l’Institut Universitaire de France. Elle pourra, pendant 5 ans, se consacrer pleinement à son activité de recherche en bénéficiant d'une décharge des deux tiers de son service d'enseignement, d’une prime d’encadrement doctoral et de recherche, ainsi que d'une dotation budgétaire pour son laboratoire. L'enjeu consiste précisément à optimiser la stabilisation naturelle d’un éco-matériau à base de terre crue afin d’améliorer la régulation hygrothermique et le confort des bâtiments. « L'IUF m'offre l'opportunité d'approfondir mes travaux, de faire rayonner le laboratoire SIAME, l'UPPA, et de proposer des collaborations ambitieuses avec d'autres équipes à travers le monde. » Peut-être l'EPFL à Lausanne, le CFM à San-Sebastián... Céline Perlot-Bascoulès pourrait en outre déposer un projet européen ERC, voire proposer au RILEM de porter un comité technique. De quoi mettre du liant entre tous les chercheurs et bâtir ensemble un avenir aussi durable que la terre crue.

 

Céline Perlot-Bascoulès