Portrait de David Amouroux

David AmourouxTraqueur de contaminants

Par Direction de la communication

Directeur de recherche au CNRS, chercheur en chimie environnementale à l'Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l'environnement et les matériaux (IPREM - UMR CNRS/UPPA 5254), David Amouroux est spécialiste de l'étude des contaminants et des éléments traces présents en très faible quantité dans l'environnement. Dans sa ligne de mire : l'impact du mercure sur les écosystèmes et les êtres vivants.

David Amouroux
Quand il n'est pas à Hélioparc, dans son laboratoire palois de l'Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l'environnement et les matériaux (IPREM), David Amouroux arpente le parc national des Pyrénées ou les montagnes suisses, navigue sur les côtes françaises et européennes, prospecte les rives du lac Titicaca et l’Altiplano en Bolivie, sonde la forêt ou le littoral guyanais, analyse la qualité des milieux aquatiques au Vietnam, au Chili ou en Afrique du Sud... Le point commun entre toutes ces destinations ? Le mercure, un élément chimique aux propriétés prodigieuses, aussi magique que dangereux, que l'on retrouve aux quatre coins du globe. « C'est le seul métal liquide à température ambiante, et le seul capable de passer de l’eau vers l’atmosphère sous l'effet de la lumière du soleil. Volatil et très mobile, le mercure est partout, aussi bien dans l'eau, sur terre que dans l'atmosphère », indique le chercheur, qui traque sa présence dans l'environnement depuis plus de 20 ans.

La belle histoire du LCABIE

David Amouroux commence à travailler sur les thématiques environnementales dans le cadre de sa thèse en chimie analytique et environnement soutenue en 1995 à l’Université de Bordeaux 1. Son séjour de deux ans à l'Institut Max Planck à Mayence, en tant que chercheur associé au sein du Département de Biogéochimie, le confirme dans ses convictions. « En Allemagne, j'ai appris à voir la chimie comme une science naturelle permettant de décrire l'environnement qui nous entoure », dit-il aujourd'hui. De retour en France, il participe dès 1997 à la création à Pau du Laboratoire de chimie analytique bio-inorganique et environnement (LCABIE) de l’IPREM. Pour le jeune chargé de recherche au CNRS, c'est le début d'une belle histoire. Toujours à l'IPREM, mais désormais directeur de recherche CNRS et animateur du pôle Chimie et microbiologie de l'environnement, David Amouroux est aujourd'hui un spécialiste reconnu de l'étude des traces de contaminants et d’éléments chimiques. Il consacre l'essentiel de ses travaux aux transformations et au transfert des composés du mercure, du sélénium et d’autres éléments traces aux interfaces des environnements aquatiques. Il développe pour cela des méthodes analytiques et expérimentales utilisant les isotopes stables des éléments traces pour étudier les mécanismes bio-physico-chimiques à l’œuvre.

Lutter contre les effets néfastes du mercure

En toile de fond, David Amouroux et ses collègues de l'IPREM s'intéressent à l'influence de l'activité humaine sur les milieux et à l'impact des contaminants sur les êtres vivants. Des thématiques plus que jamais dans l'air du temps, indispensables pour trouver demain les solutions les plus à même d'atténuer les pollutions. « Ce sont des enjeux environnementaux autant que sanitaires, rappelle-t-il. Lorsque nous consommons des poissons contaminés, notre corps assimile les éléments chimiques présents dans leur organisme. S'il s'agit de mercure, le danger sur notre santé est bien réel. » En intégrant la chaîne alimentaire, le mercure s’accumule en effet dans l’organisme jusqu’à atteindre des niveaux extrêmement toxiques. Dans le cadre de la Convention de Minamata, adoptée à Kumamoto au Japon le 10 octobre 2013 et signé par 128 pays, l'ONU classe  notamment le mercure parmi les dix produits chimiques les plus dangereux, soulignant que « l'exposition au mercure peut nuire au cerveau, au cœur, aux reins, aux poumons et au système immunitaire, en particulier chez les enfants à naître et les nourrissons ».

Dans le droit fil de la Convention de Minamata

Parmi les projets de recherche auxquels participe actuellement David Amouroux, l'un d'entre eux, GMOS-Train, lancé en juillet 2020, s'inscrit précisément dans le prolongement de la Convention de Minamata. Financé par le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne, ce projet vise à mieux comprendre les flux d'échange de mercure entre l'atmosphère, l'hydrosphère, la lithosphère et la biosphère. Cette démarche interdisciplinaire, bâtie autour d'un réseau de chercheurs à travers toute l'Europe, rassemble des compétences en chimie et physique atmosphériques, en chimie aquatique, en écologie, en chimie analytique et en modélisation. Elle associe des partenaires académiques et non académiques, des ONG et des organisations internationales. L'UPPA coordonne en particulier le volet concernant l'étude des principaux processus microbiens et photochimiques liés à la formation de méthylmercure - la forme organique la plus toxique du mercure -  dans les écosystèmes marins côtiers. David Amouroux co-supervise en outre un deuxième volet du programme GMOS-Train destiné cette fois-ci à renforcer les connaissances du cycle biogéochimique marin du mercure. « GMOS-Train est un projet très stimulant ! s'enthousiasme David Amouroux. Il nous permet de recruter des doctorants de très haut niveau et d'interagir en permanence avec nos collègues issus de nombreux laboratoires de recherche en Europe. Nous avons vraiment l'impression de mener un travail collectif enrichissant pour tout le monde. »

Des micro-organismes ''bienveillants''

Le chercheur de l'IPREM porte également le projet PHYTAMBA (2018-2022), visant à élucider le rôle du phytoplancton dans les transformations biotiques et abiotiques du mercure aquatique. Financé par l'Agence nationale de la recherche et le Fonds national suisse de la recherche scientifique, PHYTAMBA associe deux équipes de recherche de l'IPREM et de l’Université de Genève (DEFSE) .« Nous essayons de comprendre comment les algues microscopiques parviennent à contrôler l’impact d’un contaminant tel que le mercure, schématise David Amouroux. C'est un projet d’une importance cruciale pour le développement des stratégies efficaces d'atténuation et d’évaluation des risques pour l’environnement et la santé. » David Amouroux participe en parallèle aux travaux du consortium MER-CLUB (MERcury CLean-Up system based on Bioremediation by marine bacteria), piloté par le centre technologique basque AZTI et composé de six groupes de recherche internationaux spécialisés dans la microbiologie marine, la métagénomique, l'évaluation environnementale, la biogéochimie du mercure et les matériaux bioactifs. Le projet ambitionne d'exploiter le potentiel génétique de certains micro-organismes marins à des fins de biorestauration des sédiments contaminés par le mercure. À terme, ces recherches pourraient déboucher sur la commercialisation d'un système de nettoyage basé sur des bactéries immobilisées capables d'opérer dans les sédiments marins dragués. « Ce qui est très intéressant dans cette démarche, c'est que les connaissances acquises pourraient aussi nous permettre, sur un plan plus académique, de déterminer de nouveaux mécanismes biologiques à partir de l'analyse du mercure présent dans les sédiments », ajoute David Amouroux.

Un Hub thématique E2S UPPA

Au fil du temps, l'étude des contaminants est assurément devenu l'un des grands domaines d'expertise de l'IPREM. Alors, au lendemain de l'obtention en 2017 par l'université de Pau et des Pays de l'Adour du label I-SITE avec le projet E2S UPPA dédié à la transition énergétique et environnementale, la création d'un Hub thématique s'est imposée d'elle-même. Initié en 2019 et baptisé MeSMic (Metals in environmental Systems Microbiology : an integrated approach to unravel metal ion interactions with microbial ecosystems at the molecular, cellular and community levels), ce Hub E2S UPPA rassemble aujourd'hui une équipe projet pluridisciplinaire animée par six leaders scientifiques, dont David Amouroux, et soutenue par une vingtaine de chercheurs, ingénieurs et techniciens ainsi que sept post-doctorants et six doctorants. MeSMic vise à accroître les connaissances et améliorer la compréhension du rôle des éléments métalliques sur les écosystèmes, et en particulier sur les communautés microbiennes. Une approche holistique est développée afin d'étudier les relations entre micro-organismes et éléments métalliques. « Le Hub MesMic me tient particulièrement à cœur, confie David Amouroux. Il nous offre la possibilité de rassembler nos compétences, de renforcer nos collaborations et d'approfondir considérablement nos travaux de recherche dans le but de mieux comprendre les interactions entre le mercure ou le fer et les bactéries. » Un outil de plus dans la panoplie déjà bien remplie des chasseurs de contaminants.