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Séminaire "Regards croisés sur l'architecture antique : le Colisée en exemple"

UPPA, partenariat des laboratoires IRAA et ALTER
Org. : Sabine Forero-Mendoza (ALTER) et Jean-François Bernard (IRAA)

Cycle de journées d’études
« Images des monuments antiques » 2ème édition

UPPA
5 MAI 2023 / 10h-16h 
SALLE DU CONSEIL DEG
JOURNEE D'ETUDE

 

 

 

 

« Regards croisés sur l’architecture antique : le Colisée en exemple »

De tous les vestiges antiques romains, le Colisée est sans nul doute le plus emblématique et celui dont l’iconographie est la plus riche. Son état de conservation, ses dimensions et son histoire en ont fait un monument particulièrement admiré dès le Moyen Âge, au point qu’il a fait naître bien des légendes, comme le montrent les récits colportés par les diverses versions des Mirabilia urbis Romae. Sa silhouette, reprise sur des monnaies, des plans, des guides et récits de voyages (miniatures illustrant le Dittamondo de Fabio degli Uberti 1346-1367), a fini par constituer une forme typique. Identifié à Rome elle-même, selon l’interprétation fautive de l’épigramme de Bède le Vénérable (Quandiu stabit coliseus, stabit et Roma ; quando cadet coliseus, cadet et Roma [Tant que le Colosse sera debout, Rome aussi sera debout ; quand tombera le Colosse, Rome aussi tombera]), le Colisée est devenu au XVIe siècle un motif de prédilection pour des artistes de passage dans la ville éternelle, notamment flamands et hollandais qui le représentent sur le motif (Jan Gossaert, Martin van Heemskerck, Hieronymus Cock, Hendrick van Cleve). Il inspire aussi des variations imaginaires (Pieter Brueghel l’Ancien, La Tour de Babel, 1563) et réapparaît dans de nombreuses inventions. La diffusion d’estampes à travers l’Europe par des éditeurs prolifiques (Antoine Lafréry et Hiéronymus Cock), permet à des artistes n’ayant pas fait le voyage à Rome de l’intégrer dans les décors architecturaux de leurs histoires peintes (Antoine Caron, Les massacres du Triumvirat, 1566, par exemple). Mais, dans la mesure où il constitue à lui seul un compendium architectural, l’amphithéâtre Flavien a également une grande influence sur les architectes qui reprennent le principe de la superposition des ordres qui le caractérise (theatermotiv) pour l’adapter à des créations modernes.

La fascination exercée par le Colisée ne s’arrête pas au XVIe siècle. Avec le développement du védutisme, peintres (Caspar van Wittel, Panini, Canaletto, Bellotto, Robert...) et architectes (Servandoni, Clérisseau...) formés à la quadratura produisent des vues al naturale ou inventent des caprices en associant le monument à d’autres édifices romains célèbres (Panthéon, Arc de Constantin). Piranèse, à son tour, analyse la gigantesque structure mise à nu en faisant varier les angles de vue et les cadrages. Il n’est pas rare que les Grands Touristes, sensibles à la dimension iconique du Colisée se fassent portraiturer devant ses ruines.

Autant dire, comme le montre la suite ininterrompue de représentations de Jean Lemaire à Claude Lorrain, d’Abraham-Louis Rodolphe Ducros à John Inigo Richards, d’Achille Etna Michallon à Camille Corot, de Gioacchino Altobelli à Josef Koudelka que le Colisée peint, gravé, dessiné et photographié devient le miroir de l’évolution de l’art du paysage occidental et le témoin des transformations du regard porté sur l’architecture antique. Aujourd’hui encore, du cinéma (Vacances romaines, Gladiator...) à la bande-dessinée, sans oublier les jeux vidéo (Assassin’s Creed), les représentations du Colisée se multiplient, se conjuguent et se réinventent au gré du renouvellement incessant des supports, des techniques et des publics. Les travaux des architectes, des précurseurs de la Renaissance aux derniers lauréats du Prix de Rome, constituent à eux seuls un vaste catalogue de dessins archéologiques et une documentation précieuse pour étudier, comprendre et faire connaître le monument, de son organisation d’ensemble au moindre de ses détails. L’analyse de ces documents sur le temps long s’inscrit dans l’historiographie des recherches menées sur les vestiges romains, envisagés pour leur valeur historique tout autant que pour leur valeur de modèles. Mais l’image de l’amphithéâtre Flavien est encore celle qu’il donne de lui-même, à travers les différents projets et travaux de restauration et d’aménagement dont ses vestiges ont fait l’objet, principalement à partir du XIXe siècle (Stern, Valadier...). Les polémiques qui ont entouré les travaux effectués récemment, notamment à propos du projet de reconstitution du plancher en bois de l’arène, montrent que l’on ne saurait impunément dénaturer l’icône.

Notre journée d’étude se propose de parcourir ce vaste corpus d’images pour tenter de mieux cerner ce que les monuments antiques ont à nous dire et la manière dont il leur est donné de le faire. En nous limitant à l’exemple emblématique du Colisée, nous étudierons la manière dont la représentation d’un unique monument antique, fort de multiples valeurs symboliques, peut prendre les aspects les plus divers.