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Publié le 03/02/2022 | Modifié le 08/04/2022
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Publié le 06/04/2023 | Modifié le 24/05/2023
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[PodCast] Biomimétisme : s’inspirer du vivant
Le 7 juil. 2022 at 09:00AM
Par Direction de la communication et Stéphanie Savariaud
Publié le 07/07/2022 | Modifié le 20/04/2023
Dans le cadre de la mission « Concilier développement, environnement sécurisé et biodiversité préservée », ce deuxième épisode de Sciences Ouvertes se penche sur le biomimétisme et les travaux de Manta.
Au sein de la chaire Manta (Marine Materials) créée et dirigée par Susana de Matos Fernandes, enseignante-chercheuse à l'UPPA, une quinzaine de chercheurs, doctorants, professeurs, post-doc, et stagiaires de master explorent les composés et matériaux marins avec une approche scientifique tournée vers le biomimétisme. L’objectif étant de trouver des solutions a des problèmes de société liés à la dégradation de l’environnement marin tout en contribuant à la santé humaine.
Les chercheurs développent des biomatériaux qui pourront être utilisés par la médecine régénérative ou les cosmétiques respectueux des océans.
Podcast réalisé par Stéphanie Savariaud, avec la participation de :
- Susana de Matos Fernandes, enseignante-chercheuse à l'UPPA
- Nabil, stagiaire en master IMECA
- Sylvain Catros, spécialiste en chirurgie osseuse orale au laboratoire BIOTIS de l'Université de Bordeaux
- Nicolas Susperregui, chargé de mission Comité des Pêches Maritimes Pyrénées-Atlantiques Landes
Les partenaires actuels de la chaire Manta sont : E2S UPPA, la Communauté d’Agglomération Pays Basque, les Laboratoires de Biarritz, Lees, CIDPMEM 64-40 et la Région Nouvelle-Aquitaine.
Retranscription du podcast
Sciences ouvertes, le podcast dédié aux travaux de recherche de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour. Le deuxième épisode de sciences ouvertes est consacré au biomimétisme avec les travaux de Susana Fernandez de la chaire Manta à l'IPREM, une unité mixte de recherche de l'université de Pau et des Pays de l'Adour avec le CNRS.
Nabil :
J'enlève tout ce qui est cristaux sur la structure pour ensuite obtenir un biopolymères qu'on pourra utiliser par la suite.
Susana :
Donc, Nabil, il essaye de minéraliser des nanocristaux ou des nanofibres de chitine. Cette minéralisation, en fait, ça va encore renforcer plus les propriétés mécaniques de nos matériaux. Mais si on veut voir s'il va avoir une influence dans les propriétés mécaniques, mais aussi dans la viabilité des cellules une fois qu'elles vont être en contact avec les matériaux.
Là, on fait la minéralisation pour avoir de l'hydroxyapatite. Donc on va essayer d'imiter l'architecture des matériaux biologiques comme par exemple des éponges de mer ou la carapace d'un crabe. Et après il y a le côté biologique. Donc là, ici dans le labo, aujourd'hui, ce qu'on fait, c'est d'essayer de comprendre cette carapace du crabe en fait. Parce que dans la carapace de crabe, on a quoi ? On a la chitine, on a des protéines et on a les fameux minéraux.
Donc, dans le microscope, on va observer d'abord la carapace de crabe comme elle est dans la nature. Et après, pour mieux observer la morphologie et l'organisation, par exemple, de ces nanofibres de chitine, on va enlever les minéraux et après on peut observer mieux comment cette chitine est organisée. Et après on va encore enlever les protéines et voir vraiment ces nanofibres. Pour après en fait essayer, dans nos matériaux, d'avoir un peu la même structure, la même architecture.
Nabil :
Vraiment, c'est un sujet qui a une grande implication dans le domaine médical. Et voilà, ça m'intéresse énormément et en plus c'est fait à base de biomatériaux, donc c'est bon pour la planète. C'est très important et c'est en pleine expansion en ce moment. Donc il y a pas mal de choses à faire dedans.
Stéphanie :
La chitine cette molécule naturelle présente dans la carapace de crustacés ou de mollusques, est au cœur des travaux de Manta qui permettent de développer une version de la cellulose avec des propriétés encore plus vertueuses.
Susana :
Il faut imaginer que la chitine c'est un peu la cellulose, mais dans le royaume animal, donc dans le crustacé. Et la chitine, c'est comme la cellulose dans les arbres qui donne la structure au tronc des arbres. C'est pareil, c'est la chitine avec sa forme naturelle en fibres qui va donner la structure et qui va faire un peu la matrice de la carapace des crustacés.
On peut faire deux types de dérivatives avec la chitine, soit le chitosan. C'est un polymère possède des propriétés fantastiques. On peut faire des films de plastique, vous voyez un plastique, un sac en plastique, mais c'est pareil. On a un peu le même type de propriétés. Donc la transparence, on peut faire des membranes, on peut faire des éponges.
Donc on peut faire différentes matériaux avec le chitosan parce que lui, il est soluble dans de l'acide acétique, très faible type vinaigre. Voilà, on peut le dissoudre, mais on peut aussi isoler les fibres des chitine ou des nanofibres de microfibres de chitine et on peut utiliser ces microfibres de chitine pour ce matériau là qu'on fait pour la médecine régénérative comme un agent de renfort.
Parce que vous imaginez. Si on veut un matériau qui va avoir un peu les mêmes propriétés qu'un os, ou même un cartilage, il faut avoir une résistance mécanique. Aujourd'hui, on travaille pour produire des matériaux qui imitent les propriétés de l'os, du cartilage ou de la peau. Donc, pour l'os maxillaire, vous imaginez ? On est toujours avec une pression énorme sur cela.
Donc il faut qu'on fasse un matériau pour la médecine régénérative des maxillaires. Il faut bien penser qu'avant d'être un os, qu'il a quand même une résistance à la pression et une résistance mécanique importante pour que les cellules, elles, puissent adhérer à ce matériau là et après proliférer avec le même matériau, on peut avoir de la peau, de l'os ou du cartilage.
Ça dépend après des facteurs de croissance et la cellulose, c'est très bien. Et on a commencé avec ça. Pourquoi ? Parce qu'elle est non toxique aux cytotoxique. Elle est biocompatible, elle est biodégradable aussi, mais pas dans notre corps. Avec la chitine et le chitosan donc ils ont intrinsèquement des propriétés antimicrobiennes. Ils sont biocompatibles, ils sont biodégradables en fait parce qu'on a des enzymes, la lysozyme, qui peut dégrader la chitine et le chitosan.
C'est ça qui est un des grands avantage par rapport à la cellulose et aussi les propriétés antimicrobiennes.
Stéphanie
Quels sont les biomatériaux que vous êtes parvenus à développer depuis le début de votre recherche, en fait ?
Susana
Pour la médecine régénérative. Nous nous sommes intéressés à deux types de matériaux.
Pour le cartilage, le biomatériau n'est fait qu'avec le produit des carapaces de crabes et crevettes. Donc la matrice, on va dire, c'est le chitosan, et après comme renfort, il y a des nanofibres ou des nanocristaux de chitine.
Sur celui là, on a déjà fait deux jolies publications, on a vraiment fait une étude d'optimisation de ces matériaux là. Donc le premier article scientifique qu'on a, c'est par rapport à l'optimisation des conditions pour la production de ce biomatériaux. Le deuxième article qu'on a produit c'est sur la différenciation. Et pour la différenciation, on a utilisé des cellules souches individuelles.
On a utilisé ces cellules dans un ensemble de cellules souches en 3D, qui va vraiment imiter les cellules de notre corps, pour voir un petit peu quelle est la différence entre le cartilage et ces cellules là. Et donc on a montré qu'on arrive à voir la différenciation au cartilage. Ça y est, on a le bon matériau, mais tout ça, c'était fait in vitro.
Et maintenant, l'étape suivante qu'on pense commencer à l'automne de cette année, c'est le transplant. On a un deuxième projet qui a commencé il y a un an et demi. C'est une thèse en cotutelle entre l'UPPA et l'Université de Pays Basque pour développer des biomatériaux pour l'os maxillaire. Et pour ces biomatériaux là, la matrice, elle va plus être le chitosan mais c'est du collagène qui vient des méduses. on utilise le collagène parce que le tissu à nous, la base, c'est le collagène.
Donc on va le renforcer avec des nanocristaux ou des nanofibres de chitine.
Stéphanie
Ce biomatériau est actuellement en train d'être testé à Bilbao pour voir si des cellules souches seront viables à l'intérieur de celui ci. La médecine régénérative de l'os maxillaire et la chirurgie orale ont toujours eu besoin de nouveaux types de matériaux, comme l'explique Sylvain Catros, spécialiste en chirurgie osseuse orale au laboratoire BIOTIS à l'université de Bordeaux.
Sylvain
Donc, concernant les biomatériaux qu'on a à notre disposition, le biomatériaux de référence qui va être l'os finalement du patient, même si on peut le retrouver à différents endroits dans la bouche. L'avantage de ce matériau, c'est que c'est le matériau idéal dans la mesure ou il a des cellules, des facteurs de croissance. Donc la principale limite de ça, c'est que le volume est limité, que le fait d'aller prendre de l'os ailleurs dans la bouche, ça peut occasionner un certain nombre de complications douloureuses, infectieuses.
Donc ce n'est pas tout le temps utilisable. Donc c'est pour ça qu'un certain nombre de biomatériaux ont été développés et qui sont de différentes origines. Donc certains sont d'origine naturelle. Il s'agit principalement des matériaux d'origine animale. Donc dans notre domaine, c'est des matériaux d'origine bovine mais également porcine qui sont modifiés et grossièrement, on va éliminer toute la phase protéique, les cellules et avoir finalement une trame minérale qui va permettre de guider la cicatrisation osseuse chez le patient.
Ensuite, on a d'autres matériaux d'origine naturelle, donc historiquement on a le corail qu'on n'utilise plus aujourd'hui parce qu'il entraîne des réactions inflammatoires, immunitaires des fois mal contrôlées. Et puis on a d'autres matériaux d'origine naturelle, que ce soit la soie, que ce soit des matériaux dérivés de la chitine, de la carapace, des mollusques par exemple. A côté de ça, on a des matériaux synthétiques.
C'est principalement des phosphates de calcium également, qui sont de synthèse entièrement de synthèse et qui qui reproduisent finalement la phase minérale de l'os qui est composée principalement d'hydroxyapatite. Un cristal particulier qu'on retrouve dans tous les tissus minéralisés vivant notamment chez l'homme. Donc, on est capable de façon chimique de reproduire ces minéraux. Certains de ces matériaux, même beaucoup de matériaux, notamment de matériaux d'origine naturelle, entraînent une réaction inflammatoire importante, c'est à dire que lorsqu'on les implante, le patient va souvent avoir un œdème important.
Dans les jours qui suivent, qui peut occasionner des douleurs et éventuellement favoriser des surinfections. Donc ça, c'est un premier problème. Deuxième complication possible, c'est les taux de résorption qui sont parfois mal contrôlés. Et à l'inverse, on a d'autres matériaux comme les céramiques et donc d'hydroxyapatite qui vont très peu se résorber dans le temps. Donc ça, c'est un autre problème, c'est l'inverse, on a un matériau qui finalement va rester totalement inerte, qui peut agir avec son environnement.
Donc on ne va pas avoir un retour à l'état de départ puisque idéalement, ce qu'on voudrait, c'est mettre un matériau qui serait progressivement remplacé par l'os, puis avoir finalement un volume d'os qui soit totalement identique à ce qu'on aurait au départ avec uniquement de l'os et pas de matériaux. Concernant l'acceptation des patients, c'est vrai qu'aujourd'hui on a plus de patients qui nous demandent d'avoir des matériaux qui ne soient pas forcément d'origine animale, notamment d'animal provenant d'élevages industriels.
Donc c'est vrai que d'avoir des matériaux qui viendraient de la chitine, par exemple, ça pourrait être une solution intéressante à proposer, au moins pour la régénération osseuse. Je pense que la chitine, il faudra vraiment l'associer à une matrice minérale. En terme de perspective, de façon générale, sur les biomatériaux aujourd'hui en chirurgie orale, c'est donc tout ce qui concerne les matériaux sur mesure.
Donc ça, ça nécessite effectivement le développement de nouvelles matrices, puisque les matériaux traditionnels ne sont pas adaptés forcément à l'impression 3D par exemple. Et après ? Il y a tout ce qui concerne l'ingénierie tissulaire, où on va associer aux matériaux des cellules du patient pour justement améliorer cette intégration et favoriser la formation osseuse au sein du matériau.
Stéphanie
Pour développer ces nouveaux biomatériaux. Susana Fernandez a pu créer un partenariat avec le Comité des pêches des Pyrénées-Atlantiques au Pays basque, permettant aux pêcheurs d'utiliser un maximum de sous produits de la pêche. Nicolas Susperregui, du comité des pêches à Bayonne.
Nicolas
À partir du moment ou on prélève un poisson au sorti de l'eau, on essaie de le valoriser au maximum. Donc, dans les espèces qui sont sorties, il y en a quelques unes qui au niveau alimentaire sont pas valorisées. Alors pour plusieurs raisons, certaines qui ne sont pas valorisables. On a tout essayé et on a essayé avec le lycée hôtelier etc mais il y a certaines qui sont pas très bonnes.
Donc là, la seule destination aujourd'hui, c'est la farine alimentaire animale. Ce n'est pas une super valorisation. Donc finalement c'est le mareyeur aujourd'hui qui écaille qui lève des filets, etc... et tout ça, ça produit des déchets. Il reste des têtes, il reste des arêtes et de la peau... et chez les crustacés, il reste la carapace.
Et toutes ces composantes du poisson et des crustacés, elles ont elles aussi des biomolécules d'intérêt. Il y a de la cuisine dans les crustacés, il y a du collagène dans la peau de poisson, il y a de l'acide hyaluronique comme on parle à la radio ou à la télé de pêche. En général, ce n'est jamais très positif. On stigmatise la pêche en prenant des exemples loin d'être vertueux des bateaux de 100 mètres qui font un peu tout et n'importe quoi, et le grand public qui a tendance à retenir que ça.
Et en fait la pêche, c'est pas que ça. Il y a plein d'initiatives, il y a des cultures de pêche et en termes de retombées d'image, je trouve que c'est intéressant pour eux aussi.
Stéphanie
Susana Fernandez observe les poissons, les méduses, toutes les formes de la vie marine et en tire des conclusions biologiques pour développer des biomatériaux qui ont les mêmes propriétés. Elle même fille de pêcheur au Portugal, son observation est au cœur de sa recherche. Comment cette idée vous est venue de vous dire que la carapace d'un crustacé ou le calamar va pouvoir servir à faire de la médecine régénérative ? Comment cette idée vous est venue ?
Susana
En fait, il y a deux aspects l'architecture de ces matériaux en fait. Et là, on voit une carapace. Mais si on voit ça avec un microscope, on peut voir qui a beaucoup de similitudes avec nos matériaux biologiques. On va aussi observer des matériaux biologiques dans la nature, comme par exemple les éponges de mer. Vous voyez, les éponges de mer, c'est fantastique.
Ce sont des matériaux 3D poreux et nos matériaux à nous pour la médecine régénérative, c'est aussi important, c'est vraiment important qu'ils soient poreux pour que les cellules puissent se déplacer et s'accrocher aux parois des supports ou autres, pour se développer et après se différencier. Vous voyez donc il y a cette structure, cette architecture, qu'on peut aller voir dans les matériaux biologiques, qu'on peut trouver dans la mer et dans nos tissus à nous.
On fait des matériaux polymériques ou des matériaux hybrides, mais en utilisant en fait que des molécules naturelles, on ne va pas faire de matériaux synthétiques. Et on développe aussi des matériaux qui ont des propriétés qui peuvent absorber les UV. On a différentes personnes en fait, et différentes thèses qui travaillent sur ces molécules là. Ce sont de petites, toutes petites, au contraire de la chitine de collagène et du chitosan qui sont de grosses molécules.
Là non, on passe à un autre type de molécules qui ont cette propriété d'absorber les UV. La question, c'était comment est ce que le poisson, il se protège des UV? Et en fait, le poisson c'est comme nous, on ne bio synthétise pas de molécules vraiment qui vont nous protéger complètement des UV, donc nous, soit on s'habille soit on met un protecteur, en filtres solaires.
Mais les poissons, dans leur écosystème, il y a des algues qui, elles, synthétisent ces petites molécules là. Et le poisson, lui, il mange ces algues là. Et après ? On ne sait pas encore quel est le mécanisme biologique, mais on observe que ces poissons là, ils ont ces molécules là dans leur mucus et aussi dans leurs yeux pour se protéger du soleil.
Quand moi, comme chimiste de matériaux, je vois que les poissons, ils ont cette molécule là dans le mucus, le mucus c'est un matériau qui ressemble à un gel. Et donc l'idée, c'était OK, maintenant on va extraire ces molécules là des algues et après on va les utiliser pour faire des matériaux, donc soit du gel, soit des membranes, soit des films avec des propriétés d'absorption des UV.
Par exemple, on a aussi une collaboration avec le Laboratoire de Biarritz dans les cosmétiques pour les aider à faire des produits qu'après ils pourront utiliser dans leur formulation.
Stéphanie
Pour aller vers une chimie encore plus verte. Une nouvelle chaire, MANTAzyme, vient d'ailleurs de voir le jour à l'IPREM pour étudier la dégradation des matériaux utilisés pour la recherche dans l'environnement. La chaire Manta, qui est localisée à Pau et à Anglet, bénéficie de partenariats avec E2S-UPPA, le CNRS, la Communauté d'agglomération du Pays basque, la région Nouvelle-Aquitaine, le Comité de pêche maritime Pyrénées Atlantiques et Landes, les laboratoires de Biarritz, Sky, Lys et Sibios.
Ainsi s'achève le second épisode de Sciences ouvertes. Abonnez vous pour ne pas manquer le prochain.